La chaîne du cacao
Savez-vous dans quelles conditions les fèves de cacao de votre chocolat ont été récoltées ?
Le cacao : l’or brun.
L’Afrique de l’Ouest produit une grande partie du cacao mondial. Le Ghana et la Côte d’Ivoire sont les deux principaux pays d’exportation de cacao, à eux seuls ils représentent 60% du cacao mondial. La Belgique produit quelques 600.000 tonnes de chocolat par an (équivalent à 300.000 tonnes de fèves). Près de 75% du chocolat consommé en Belgique provient de ces deux pays. La Belgique est donc un des plus grands importateurs de fèves de cacao et le deuxième plus grand exportateur de chocolat au monde.

La filière du cacao : voyage d’une fève en Côte d’Ivoire
Le cacao est incontournable en Côte d’Ivoire. Pour assurer 40 % de l’approvisionnement mondial, ce secteur mobilise près de 1 million de producteurs qui fournissent un revenu à 5 millions de personnes, soit environ 1/5 de la population du pays. Il est le premier pourvoyeur de devises du pays et occupe une place centrale dans la société ivoirienne.
Et pourtant ! En dépit de son énorme influence, la filière du cacao ne joue pas pleinement son rôle de moteur du développement économique. Certains vont même jusqu’à invoquer la malédiction de « l’or brun ».
Trois constats le prouvent :
- La majorité des producteurs vivent avec moins de 67 cents d’euro par jour.
- L’augmentation des surfaces cultivées engendre une destruction massive de la forêt (laquelle est passée de
12 millions d’hectares en 1960 à moins de 3 millions d’hectares aujourd’hui.) - La Côte d’Ivoire n’a pas encore réussi à augmenter sa part des gains (qui stagne entre 5 et7 %), réalisés le
long de la chaîne du cacao-chocolat au niveau mondial.
Les plantations sont pour la plupart de petite taille (entre 2 et 5ha) et produisent entre 350 et 650kgs par ha. Pour donner un ordre de grandeur, Il faudrait 15 ha de cacao par plantation pour atteindre le revenu minimum vital étant donné les prix, les rendements et les coûts de production actuels… On est loin du compte.
Le problème des intermédiaires dans la chaîne du cacao :
La plupart des planteurs ne sont pas équipés de machines agricoles performantes, les plantations ont peu été entretenues avec des arbres vieillissants qui donnent moins de fruits. Bon nombre de producteurs vivent dans des régions peu accessibles avec de très mauvaises routes qui rendent difficile l’accès et l’acheminement des
fèves et manquent crucialement de moyens de transport. Faute de solution, ils les vendent à des pisteurs qui les leur achètent pour un prix inférieur à celui du marché, déjà fort bas. A ce jour, il n’existe aucun système de contrôle, ni de licence pour ces pisteurs.
Ces pisteurs revendent ensuite les fèves à des coopératives car celles-ci ne produisent pas assez pour répondre à la demande de cacao mondiale. Le gouvernement ivoirien estime à 40% le nombre de planteurs organisés en coopératives. Cela signifie que 60% des fèves cacao vendues proviennent de zones non identifiées. Les coopératives revendent à leur tour les fèves à des grossistes (comme Barry Callebaut, Cargill, Puratos…) qui les acheminent vers le reste du monde par paquebots. Ensuite, ces fèves sont transformées en beurre de cacao ou en poudre dans des usines de transformation. Enfin, les chocolatiers et industriels du chocolat les transforment en tablettes, pâtes à tartiner, produits pour la boulangerie, barres ou encore pralines avec leurs recettes propres prêtes à être vendus aux consommateurs du monde entier.
Ajoutons à cela que la spéculation du cours du cacao sur les marchés boursiers augmente encore l’instabilité des revenus des planteurs. En 2017 le prix du cacao a chuté, les planteurs se sont encore appauvris.
Question : avez-vous pour autant payé votre chocolat moins cher ?
Des ONGs luttent pour améliorer les conditions de vie des planteurs de cacao et en particulier pour qu’un revenu vital soit accordé aux producteurs d’Afrique de l’Ouest ; parmi elles : FairTrade, Oxfam 5 ou encore Trias 6.
N.B : « Un revenu vital (living income) est un revenu avec lequel une famille peut au moins satisfaire ses besoins de base, tels qu’un régime alimentaire nutritif, un logement décent avec des sanitaires corrects, les frais de scolarité pour les enfants, les soins de santé, un moyen de transport et une petite épargne. » 7 .
Mais le constat aujourd’hui est que peu de planteurs reçoivent ce revenu vital.
Outre la pauvreté criante, le manque de transparence de la chaîne et de traçabilité des fèves restent un problème majeur dans la filière du cacao or c’est indispensable pour identifier les risques d’exploitation.
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Le travail des enfants en Côte d’Ivoire
Bien que les grands industriels se soient engagés en 2001 à éradiquer le travail des enfants dans la production du chocolat et ont signé le protocole Harkin and Engel (initiative de 2 parlementaires américains), on estime aujourd’hui à 2,1 millions le nombre d’enfants travaillant dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana. Les chiffres du travail des enfants augmentent avec l’extension des surfaces cacaoyères.
Focus : Côte d’Ivoire
Environ 900 000 enfants de 10-17 ans travaillent dans les cacaoyères ivoiriennes (Walkfree foundation, 2018). 86% de ces enfants effectuent un travail dangereux dans l’exploitation familiale. Ces enfants ne vont pas ou peu à l’école et ils effectuent des tâches qui nuisent à leur santé physique ou mentale. Ils dispersent des pesticides sans aucune protection, portent des sacs de fèves trop lourds et manient des instruments dangereux (machettes). L’UNICEF ajoute que ces pratiques abusives sont en nette augmentation, en particulier en ce qui concerne les pesticides.
Quelles sont les causes profondes du travail et de l’exploitation des enfants ?
La cause principale du travail des enfants est la pauvreté. Leurs parents n’ont pas les moyens de payer les frais liés à l’école et ont besoin d’eux pour les aider dans les plantations.
Parmi les causes profondes du travail des enfants il y a aussi :
- Le manque d’accès à une éducation de qualité (manque d’infrastructures accessibles, de professeurs qualifiés, certaines classes ont 100 élèves…) : 50% des enfants dans les campagnes ne vont pas à l’école
- L’absence de papiers d’identité : selon les régions entre 40 et 50% des enfants n’ont pas de papiers d’identités ce qui les empêche d’aller à l’école secondaire et d’avoir droit aux soins de base.
- La faiblesse du système de protection sociale
- Les problèmes de santé (malaria, diarrhées récurrentes), d’accès à l’eau potable et de nutrition. Les filles sont très touchées par ce problème dès qu’elles atteignent la puberté car les infrastructures ne sont pas adaptées (pas de toilettes séparées, eau potable etc).
- L’exploitation des enfants et la violence contre les enfants.
L’engagement de Samilia
Notre équipe s’est intéressée de plus près au fléau, encore trop peu connu, de l’exploitation des enfants dans le cacao pour plusieurs raisons fondamentales :
- En 2013 et en 2014 la Fondation Samilia a réalisé des projets de prévention en lien avec l’exploitation sexuelle et l’exploitation dans le football, en Afrique de l’Ouest et en particulier en Côte d’Ivoire. Nos projets ont permis à des milliers de familles de se rendre compte des méthodes utilisées par les trafiquants d’êtres humains vendeurs de rêve, et dès lors celles-ci ont pu mettre leurs enfants à l’abri des pièges tendus (Pour en savoir plus : football against trafficking et prévention sexuelle en Afrique.
- Forts de cette expertise et voulant attirer l’attention des citoyens sur le drame de la traite des êtres humains, nous avons décidé de mieux comprendre la chaîne du cacao en particulier celle de la Côte d’Ivoire.
- Par ailleurs, le gouvernement belge, et en particulier Alexandre De Croo, Ministre de la Coopération au Développement, a lancé le 5 décembre 2018 le programme « Beyond Chocolate » dont le but est de développer un chocolat belge durable d’ici 2030. La Fondation Samilia est co-signataire de ce programme et a y déjà joué un rôle important en faisant inclure la traite des êtres humains dans le programme du gouvernement. (voir Beyond Chocolate)
Par ailleurs, malgré les nombreuses campagnes décriant la précarité des planteurs et le travail des enfants, la thématique de la traite des êtres humains est encore peu prise en considération par l’industrie du chocolat. La Fondation Samilia souligne l’urgence d’éliminer l’exploitation des êtres humains dans la chaîne du cacao et étudie la mise en œuvre de projets de terrain dans ce cadre.
Beyond Chocolate
- Un salaire de vie pour les planteurs
- Lutter contre la déforestation et Développer l’éducation et éliminer le travail des enfants.
L’implication de la Fondation Samilia a permis de rajouter un quatrième volet :
le tragique problème de la traite des êtres humains.
En effet, la Fondation Samilia a piloté le groupe de travail « Youth and decent work » dont l’objectif était de
contribuer à l’élaboration des critères de sélection des futurs projets ainsi que des objectifs et indicateurs clés à
moyen et long terme du programme dans son ensemble. De ce fait, nous avons réussi à inclure la traite des êtres humains à l’agenda du programme. Il va de soi que la chaîne du cacao belge, comme toute autre chaîne,
devrait être exempte d’exploitation économique, qu’il s’agisse d’adultes ou d’enfants. Notre objectif concerne la production mondiale.
Le résultat concret : étant donné que le programme « Beyond Chocolate » est en lien direct avec les Objectifs
de Développement Durable (ODD) des Nations Unies 13 , un objectif clé, l’ODD 8, lié à la traite a été rajouté au
programme.
Objectif 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous
8.7 Prendre des mesures immédiates et efficaces pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite d’êtres humains, interdire et éliminer les pires formes de travail des enfants, y compris le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats et, d’ici à 2025, mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes.
« Beyond Chocolate » comprend de nombreux signataires, issus de l’industrie du chocolat, de la grande distribution, du monde académique et de la société civile, dont la Fondation Samilia.
Les pays voisins nous regardent. Aucun autre gouvernement n’a osé à ce jour mettre le « living income » 14 au cœur de son programme de développement durable. Nous espérons que ce mouvement initié par la Belgique sera source d’inspiration pour d’autres.
Le gouvernement ivoirien a lui aussi une grande responsabilité et un rôle important à jouer dans l’amélioration des conditions de vie de son peuple, des infrastructures, des couvertures sociales et de l’éducation et la lutte contre la corruption à tous les niveaux. Un programme ambitieux existe déjà pour lutter contre les pires conditions de travail des enfants 15 , mais il a besoin de tout le soutien possible pour se réaliser.
Un pas vers le mieux
Certains chocolatiers et industriels du cacao ont déjà embrayé le pas et mis en œuvre des initiatives intéressantes mais qui aujourd’hui restent isolées et ne prennent pas toujours en compte les causes profondes du problème. Celui-ci est certes complexe et nécessite dès lors d’être abordé à la racine en incluant les bénéficiaires directs : les planteurs, leurs familles, la communauté dans son ensemble.
La société civile, qui suit le programme de « Beyond Chocolate », exige la transparence de la chaine de production du cacao avec une cartographie claire de la production des fèves jusqu’au chocolat. Il est primordial d’imposer à l’industrie et aux gouvernements la traçabilité de leurs programmes pour éradiquer les zones grises. Ceci demande une approche de collaboration multi-sectorielle.
D’autres acteurs clés, comme FairTrade 16 , Oxfam 17 ou encore Trias 18 , l’OIT et l’UNICEF oeuvrent dans le même esprit. Le défi est immense.
Le rôle des consommateurs Les consommateurs aussi ont leur mot à dire, ce sont les achats de chocolat et de cacao qui créent le marché, pas l’inverse ! Leurs choix peuvent influencer l’industrie dans son ensemble.
En savoir plus sur Beyon Chocolate : lien
« Outre la fédération sectorielle Choprabisco, les chaînes de grande distribution Delhaize, Aldi, Lidl, Carrefour et Colruyt Group s’engagent à ce que leurs marques distributeurs respectent ce partenariat. Des universités belges, des organisations de développement gouvernementales et non gouvernementales, des investisseurs à impact et des syndicats soutiennent aussi le nouveau partenariat et contribuent, depuis leur domaine de compétences, à un chocolat belge durable. L’initiative inclut aussi des producteurs de chocolat non belge. C’est important car le concours de chaque acteur est nécessaire pour rendre le chocolat belge plus durable et pour que chacun soit réellement gagnant.
Au travers de Beyond Chocolate, tous les signataires s’engagent à coopérer sur toute une série de défis liés au chocolat durable, comme la lutte contre le déboisement, contre le travail des enfants et la garantie d’un revenu permettant aux producteurs de cacao locaux de vivre décemment. Concrètement, ’ensemble du chocolat belge, produit ou commercialisé en Belgique, devra satisfaire au plus tard fin 2025 à une norme de certification pertinente ou être produit à partir de produits du cacao correspondant aux programmes de durabilité propres à l’entreprise.
Au plus tard pour fin 2025, les partenaires devront aussi respecter intégralement les accords entre les pouvoirs publics et les partenaires privés passés dans le cadre de la Cocoa & Forests Initiative. L’enjeu principal est de mettre fin au déboisement dans les deux plus grands pays producteurs de cacao que sont le Ghana et la Côte d’Ivoire. Le déboisement résultant de la production de cacao destiné au secteur belge du chocolat doit au plus tard s’arrêter en 2030. D’ici là, l’ensemble des producteurs de cacao devront au minimum recevoir un revenu permettant de vivre décemment. »




